Sommaire
- Courir avec un gilet lesté, c’est quoi exactement ?
- Les bénéfices potentiels pour les coureurs
- Les risques à connaître avant de se lancer
- Pour quel profil de coureur, dans quel contexte ?
- Comment commencer à courir lesté sans faire d’erreurs ?
- En bref, un levier intéressant… mais pas pour tout le monde
Tu l’as peut-être déjà aperçu au détour d’un sentier ou d’une allée de parc : ce coureur au souffle court, le torse ceinturé d’un gilet étrange, visiblement plus lourd que la normale. Ses pas sont un peu plus bruyants, son allure plus lente, mais son regard reste fixé droit devant, concentré. Il ne s’agit pas d’un militaire en entraînement ni d’un adepte du crossfit égaré sur une boucle nature, mais bel et bien d’un coureur à pied qui a choisi d’ajouter du poids à sa foulée.
Courir avec un gilet lesté, l’idée peut sembler étonnante. Elle intrigue autant qu’elle divise. Pour certains, c’est un moyen malin de sortir de sa routine, de renforcer le corps en mouvement, de rendre chaque sortie un peu plus efficace. Pour d’autres, c’est une fausse bonne idée, une prise de risque inutile qui bouscule les équilibres naturels de la course et met en péril les articulations. Comme souvent en entraînement, la vérité ne se trouve ni dans l’enthousiasme aveugle ni dans la méfiance systématique, mais quelque part entre les deux, là où l’expérience rencontre la nuance.
Alors que les outils d’entraînement se multiplient et que les coureurs cherchent à optimiser chaque effort, le gilet lesté s’invite peu à peu dans le paysage du running. Il suscite des questions légitimes : est-ce vraiment utile pour progresser ? Quels effets peut-on en attendre, et à quel prix ? Est-ce un levier intelligent de progression, ou une mode passagère qui risque de faire plus de mal que de bien ?
Dans cet article, on va prendre le temps d’explorer cette pratique sous toutes ses coutures. Comprendre ce qu’elle apporte, ce qu’elle demande, et surtout, à qui elle s’adresse. L’objectif n’est pas de trancher avec autorité, mais de t’aider à y voir clair, pour que tu puisses faire tes choix d’entraînement en pleine conscience, avec à la fois curiosité et prudence. Parce qu’un bon coureur n’est pas seulement quelqu’un qui va vite ou longtemps, c’est aussi quelqu’un qui sait pourquoi il fait les choses.
Courir avec un gilet lesté, c’est quoi exactement ?
Avant de juger l’outil, il faut d’abord comprendre ce dont on parle. Le gilet lesté n’est pas un simple accessoire de mode sportive, ni un gadget réservé aux adeptes de bootcamp ou de cross-training. C’est un équipement conçu pour ajouter une charge supplémentaire au poids du corps, de manière uniforme et stable, le plus souvent répartie autour du buste.
Le principe est simple : alourdir le coureur, pour que chaque mouvement — chaque pas, chaque appui, chaque impulsion — demande un peu plus d’effort que d’ordinaire. Cela peut sembler contre-intuitif dans une discipline où tout tend justement vers la légèreté, mais c’est précisément là que réside l’intérêt : provoquer un stress supplémentaire pour forcer l’adaptation.
Ces gilets sont généralement modulables. Ils permettent d’ajouter ou de retirer des poids (souvent sous forme de petits blocs métalliques), et leur charge totale varie en fonction des modèles, allant de quelques kilos à plus de dix. Certains coureurs bricoleurs utilisent aussi un sac de trail chargé, mais la répartition est alors moins équilibrée, moins proche du centre de gravité du corps, et donc plus instable. Le gilet, lui, épouse la cage thoracique, reste en place, et permet de courir sans se battre contre l’effet sac à dos.
Mais au fond, que cherche-t-on en courant avec un gilet lesté ? L’idée est d’augmenter la résistance mécanique à l’effort, de renforcer musculairement le corps et parfois aussi de reproduire les conditions d’un terrain plus exigeant comme une montée, une longue sortie trail, ou une compétition avec sac. En somme, c’est une manière d’introduire une difficulté supplémentaire dans l’entraînement, sans changer le décor, mais en changeant le poids du rôle que joue chaque muscle.
Les bénéfices potentiels pour les coureurs
Le premier bénéfice recherché est musculaire. Courir avec quelques kilos en plus, c’est demander à ses muscles (quadriceps, fessiers, mollets, mais aussi tronc et muscles posturaux) de fournir un effort plus important à chaque foulée. Ce n’est pas du renforcement figé, comme dans une salle de sport, mais un travail fonctionnel, dynamique, en mouvement. Le corps apprend à résister, à stabiliser, à encaisser. La sollicitation est plus intense, et si elle est bien dosée, elle peut devenir un véritable stimulus de développement. C’est particulièrement vrai pour les coureurs qui ne font pas de renforcement musculaire en dehors de leur pratique : le gilet peut alors jouer un rôle d’appoint, sans remplacer bien sûr un travail de fond plus ciblé.
L’autre bénéfice, plus subtil, concerne le coût énergétique de la foulée. Courir lesté augmente la dépense d’énergie, oblige le corps à s’adapter à un effort plus exigeant. Certains y voient une forme de “pré-fatigue” : on s’entraîne dans des conditions plus dures pour mieux performer ensuite quand on revient à une foulée libre. Cette logique n’est pas sans rappeler celle de l’entraînement en altitude, où l’organisme travaille dans des conditions de contrainte pour produire des gains une fois de retour à la normale.
Enfin, pour les trailers et les amateurs d’ultra, le gilet peut revêtir un intérêt spécifique. Sur les longues distances, le port d’un sac est inévitable : eau, nutrition, matériel obligatoire… Lourd ou léger, ce sac modifie la posture, les appuis, la façon dont le corps encaisse les descentes. S’entraîner avec un gilet lesté, en général plus équilibré qu’un sac de trail, permet alors d’anticiper ces contraintes, d’habituer le corps à cette surcharge, et de mieux préparer les muscles à tenir sur la durée.
Il ne s’agit pas ici de vendre un outil miracle. Le gilet lesté ne transforme pas un coureur en machine en quelques séances. Mais utilisé avec mesure, dans un cadre précis, il peut devenir un levier intéressant pour varier les sollicitations, renforcer le corps autrement, et ajouter une forme d’intensité musculaire au cœur même de la course.
Les risques à connaître avant de se lancer
Si les bénéfices du gilet lesté peuvent séduire, les risques qu’il fait peser sur le corps méritent qu’on s’y attarde avec sérieux. Car s’il augmente la charge de travail, il augmente aussi, parfois de façon insidieuse, la charge sur les articulations, les tendons, et les structures d’amortissement du corps. Et dans un sport où chaque foulée génère plusieurs fois le poids du corps en impact, ces kilos supplémentaires ne sont jamais anodins.
Le premier danger, et sans doute le plus courant, c’est celui de la blessure par surcharge. Ajouter du poids à un corps qui n’y est pas préparé revient à lui imposer une contrainte nouvelle, brutale parfois, qui peut réveiller une douleur ancienne, fragiliser une articulation, ou précipiter une tendinite. Les genoux, les hanches, les chevilles, mais aussi le dos et les lombaires, peuvent souffrir si la charge est trop importante, mal répartie, ou introduite trop rapidement. Courir lesté demande un corps solide, déjà habitué à encaisser des volumes de course conséquents, ce n’est clairement pas un outil pour débutants.
Un autre risque, plus discret mais tout aussi réel, réside dans la modification de la foulée. Le poids du gilet peut perturber l’équilibre naturel du geste, tirer légèrement vers l’avant, rigidifier la posture, ou inciter à des compensations qui, à la longue, fatiguent certains groupes musculaires plus que d’autres. L’économie de course peut en pâtir, et avec elle, la fluidité du mouvement. Là encore, un œil extérieur venant d’un coach, kiné ou une simple écoute attentive de ses sensations est précieux pour éviter de glisser vers un schéma de course déséquilibré.
Il ne faut pas non plus sous-estimer la fatigue centrale. Un corps lesté travaille plus dur, certes, mais un système nerveux aussi. Enchaîner des séances lestées avec un plan d’entraînement déjà bien chargé peut conduire à une fatigue accumulée, insidieuse, qui affaiblit la récupération, émousse la motivation, ou favorise le surentraînement. L’intensité, même quand elle est musculaire plus que cardiaque, laisse une trace qu’il faut savoir respecter.
Enfin, il y a ce risque plus subtil encore : celui de la surenchère. Le coureur moderne, parfois trop pressé de progresser, peut être tenté d’en faire toujours plus. Ajouter du poids, c’est facile, mesurable, tangible. Mais ce n’est pas parce qu’on souffre davantage qu’on progresse plus vite. Un entraînement intelligent, ce n’est pas celui qui pousse le corps au bord de la rupture, c’est celui qui l’accompagne à se dépasser avec justesse.
Le gilet lesté, s’il est utilisé sans écoute, sans progressivité, peut devenir un accélérateur de blessure bien plus qu’un booster de performance. Il demande donc du discernement, de la patience, et une vraie connaissance de soi.
Pour quel profil de coureur, dans quel contexte ?
Tous les coureurs ne sont pas égaux face au gilet lesté, et ce n’est pas qu’une question de niveau. C’est aussi une question de contexte, d’objectifs, de contraintes corporelles et de moment dans la saison. Ce n’est pas un outil universel, ni un passage obligé pour progresser : c’est un levier ponctuel, spécifique, à manier avec discernement.
Le gilet lesté peut être intéressant pour un coureur déjà bien entraîné, dont le corps a l’habitude d’encaisser des volumes conséquents, et qui cherche à ajouter une dimension de renforcement à son entraînement sans passer par une salle de sport. Il peut aussi avoir du sens pour un trailer qui souhaite habituer son corps à porter une charge, comme un sac de course. Dans ce cadre, courir avec un gilet permet d’anticiper les adaptations nécessaires pour les longues distances, en particulier sur terrain accidenté. Toujours pour un trailer, cela peut aussi faire sens dans un axe de développement musculaire, c’est généralement important pour être capable d’encaisser des gros dénivelés.
Il peut également être utilisé comme outil de variété dans un cycle de développement général, en intersaison par exemple, quand la recherche de performance est mise entre parenthèses au profit de la construction. Introduit à ce moment-là, avec progressivité, il permet de renforcer la chaîne postérieure, le gainage actif, et de travailler la posture sous contrainte. Mais dès que les séances clés du plan apparaissent, ou que la fraîcheur devient une priorité, il vaut mieux le ranger temporairement.
En revanche, le gilet lesté n’a pas sa place dans l’entraînement d’un coureur débutant, ni chez celui qui sort d’une blessure ou qui présente des fragilités au niveau des articulations, des tendons ou du dos. Il ne convient pas non plus aux profils très légers, pour qui l’ajout de poids représente une proportion significative du poids de corps, augmentant d’autant le risque de déséquilibre. Et il ne remplace en rien un vrai travail de renforcement structuré, ciblé et progressif. On ne rappellera jamais assez que c’est ce type d’entraînement qui permet d’aller plus loin sans se blesser.
Tout est affaire d’objectif. Si ton but est de courir plus vite, de mieux tenir l’allure, de progresser sur 10 km ou sur marathon, d’autres leviers seront sans doute plus efficaces, plus directs, moins risqués. Si ton envie est de te construire un corps plus solide, plus polyvalent, ou de varier tes entraînements en pleine conscience, alors pourquoi pas — mais à condition de respecter certaines règles.
Comment commencer à courir lesté sans faire d’erreurs ?
Si tu envisages de courir avec un gilet lesté, le mot-clé, c’est progressivité. Trop souvent, on se laisse emporter par l’enthousiasme de la nouveauté, on enfile le gilet, on ajoute plusieurs kilos, et on part sur une sortie longue comme si de rien n’était. Mais en course à pied, tout ajout de charge doit être introduit avec la même prudence qu’un changement de chaussure, de terrain ou de volume d’entraînement. Commencer trop fort c’est l’assurance d’une blessure en course à pied, alors le faire en étant lesté c’est catastrophique.
Commence léger. Très léger. Bien souvent, deux à quatre kilos suffisent largement pour initier le corps à ce nouveau stress. L’objectif n’est pas de te transformer en mule, mais d’offrir une contrainte suffisante pour éveiller les muscles profonds, renforcer les appuis, et perturber légèrement ta foulée… sans l’abîmer.
Commence court, aussi. Une séance de vingt à trente minutes en endurance fondamentale peut largement suffire au début. L’idée n’est pas de faire de ces sorties lestées le cœur de ton entraînement, mais un complément ponctuel, utilisé une fois par semaine au maximum, voire une semaine sur deux, selon ta fatigue générale.
Choisis bien le terrain. Évite les descentes prolongées au début : les impacts y sont amplifiés, et le risque de surcharge tendineuse est plus élevé. Préfère des terrains souples, légèrement vallonnés ou plats, sur lesquels tu peux rester concentré sur tes sensations sans avoir à gérer de technicité excessive.
Enfin, sois à l’écoute de ton corps. Le gilet lesté n’est pas censé provoquer des douleurs articulaires, ni te laisser des courbatures invalidantes pendant plusieurs jours. Une légère fatigue musculaire, un gainage plus sollicité, oui — mais pas plus. Si tu ressens une gêne, une raideur inhabituelle, une douleur persistante, c’est qu’il faut faire machine arrière.
En bref, un levier intéressant… mais pas pour tout le monde
Courir avec un gilet lesté n’est ni une révolution, ni une hérésie. C’est une pratique à part entière, encore peu répandue dans le monde du running traditionnel, mais qui gagne en popularité à mesure que les coureurs cherchent à sortir des sentiers battus de l’entraînement.
Elle peut renforcer, diversifier, densifier certains aspects du travail musculaire et postural, à condition d’être utilisée avec discernement. Elle peut aussi fragiliser, déséquilibrer, voire blesser si elle est mal dosée, mal intégrée, ou imposée à un corps qui n’y est pas préparé.
Ce n’est donc ni une bonne, ni une mauvaise idée en soi. C’est une idée qu’il faut interroger. Qui suis-je comme coureur ? Qu’est-ce que je cherche à travers cette pratique ? Est-ce le bon moment, le bon outil, pour atteindre mes objectifs sans compromettre ma santé ? Si tu peux répondre à ces questions avec lucidité, alors peut-être que le gilet aura sa place dans ton sac d’entraînement.
Et sinon ? Continue à courir léger. Le plus important, ce n’est pas ce qu’on porte sur soi, mais ce qu’on construit au fil des kilomètres.

