Sommaire
Pour courir rapidement, il faut courir lentement à l’entraînement ! Vous avez sûrement déjà entendu ce conseil qui de prime abord peut sembler contre-intuitif mais qui aujourd’hui est largement appliqué dans le monde de la course à pied. Mais derrière les phrases toutes faites, pourquoi cela fonctionne-t-il et quelle est la logique derrière cette préconisation ? On vous explique tout sur le fait de courir lentement pour progresser.
Courir lentement, de quoi parle-t-on exactement ?
Courir lentement, c’est subjectif. Votre allure maximale sur 5km sera extrêmement rapide pour vous mais pourra être considérée comme lente pour un athlète olympique. Il convient donc de définir les notions qui se cachent généralement derrière ce conseil que l’on donne systématiquement aux coureurs qu’ils soient débutants ou confirmés. Focus sur deux concepts fondamentaux qui ont révolutionné l’approche de l’entraînement moderne : l’endurance fondamentale et la fameuse Zone 2.
L’endurance fondamentale représente la capacité de notre organisme à maintenir un effort prolongé sans s’épuiser. Imaginez-la comme les fondations d’une maison : plus elles sont solides, plus la structure peut s’élever. Cette base physiologique se développe principalement lors d’efforts modérés et constants, où notre corps apprend à utiliser efficacement l’oxygène et à gérer ses ressources énergétiques.
On qualifie assez souvent la zone de travail de l’endurance fondamentale de zone 2. Cette dernière correspond à une zone de travail de la fréquence cardiaque. Dans des modèles à 5 zones, la deuxième correspond à celle d’une activité douce, plus intense que de la marche mais qui reste un footing extrêmement facile par rapport à vos capacités. Concrètement, dans cette zone, vous devriez pouvoir maintenir une conversation tout en courant, sans être essoufflé. D’un point de vue concret, elle se situe généralement entre 60 et 70% de votre fréquence cardiaque maximale.
Ce qui rend la Zone 2 particulièrement intéressante, c’est son impact sur nos mitochondries, ces véritables « centrales énergétiques » de nos cellules. En courant à cette intensité, nous stimulons leur prolifération et leur efficacité, améliorant ainsi notre capacité à produire de l’énergie. Cette adaptation physiologique est cruciale car elle permet d’économiser nos précieuses réserves de glycogène, essentielles pour les efforts plus intenses.
L’endurance fondamentale et la Zone 2 travaillent en synergie pour créer des adaptations durables dans notre organisme. Pendant ces entraînements, notre système cardiovasculaire s’optimise, nos capillaires se développent, et notre efficacité musculaire s’améliore, le tout sans surcharger notre corps de stress excessif. Cette dernière partie est importante car c’est ce qui permet d’intégrer de nombreuses séances d’endurance fondamentale dans un entraînement. Il serait impossible par exemple de s’entraîner autant dans des zones plus intensives, le coureur se blesserait ou tomberait en surentraînement plus ou moins rapidement.
L’importance de la basse intensité : des adaptations physiologiques bénéfiques
Les entraînements à basse intensité déclenchent une cascade d’adaptations physiologiques remarquables, souvent sous-estimées par les coureurs pressés de progresser. Au cœur de ces transformations se trouve l’amélioration significative du volume d’éjection systolique, cette quantité de sang que notre cœur propulse à chaque battement.
Lors d’efforts modérés prolongés, notre organisme optimise progressivement son fonctionnement cardiovasculaire. Le ventricule gauche du cœur développe sa capacité à se remplir plus efficacement pendant la phase de relaxation, permettant ainsi d’éjecter un volume sanguin plus important à chaque contraction. Cette adaptation majeure améliore directement notre capacité à transporter l’oxygène vers les muscles actifs.
Un autre aspect fascinant concerne la multiplication des capillaires sanguins autour des fibres musculaires. Ce processus, appelé angiogenèse, se produit de manière optimale lors des efforts à basse intensité. Plus le réseau de capillaires est dense, plus l’approvisionnement en oxygène et en nutriments des muscles est efficace, et meilleure est l’élimination des déchets métaboliques.
Les mitochondries, véritables centrales énergétiques de nos cellules comme évoqué précédemment, connaissent également une transformation profonde. L’entraînement à basse intensité stimule leur prolifération et améliore leur efficacité. La basse intensité favorise également la production d’enzymes aérobies, optimisant notre métabolisme énergétique. Cette amélioration enzymatique permet une meilleure utilisation de l’oxygène au niveau cellulaire, rendant nos efforts plus économiques sur le plan énergétique.
En bref : courir lentement va produire plein d’adaptations utiles pour votre organisme même quand vous allez vous attaquer à des efforts bien plus intenses !
Ce travail d’endurance est crucial dans votre entraînement
La répartition optimale des intensités d’entraînement suit souvent un principe surprenant, connu sous le nom de « polarisation de l’entraînement ». Il existe cependant d’autres modèles, comme le modèle pyramidal. Les études menées sur les athlètes d’endurance élite révèlent qu’ils consacrent environ 80% de leur volume d’entraînement à la basse intensité, tandis que seulement 20% est dédié aux séances plus intenses. Que la distribution des intensités soit polarisée ou pyramidale, accordant plus ou moins d’importance aux intensités sévères ou extrêmes, la proportion de basse intensité reste toujours la même : environ 80% des séances passées à s’entraîner. A noter que ce n’est pas le temps passé, mais bel et bien les séances. En réalité, vous passerez plus de 80% de votre temps à basse intensité car dans vos 20% de séance à haute intensité vous allez intégrer un échauffement, de la récupération entre les intervalles, un retour au calme : tout ça à basse intensité.
Cette distribution, parfois appelée la « règle des 80-20 », n’est pas le fruit du hasard. Elle permet d’optimiser les adaptations physiologiques tout en minimisant les risques de surentraînement. Pour mettre en pratique ce principe, un coureur s’entraînant quatre fois par semaine devrait idéalement consacrer trois séances à la basse intensité, réservant une seule séance aux efforts plus soutenus.
La clé réside dans la patience et la régularité. Les séances à basse intensité peuvent sembler moins gratifiantes dans l’immédiat, mais elles constituent le socle sur lequel se construit la progression à long terme. Cette approche permet d’augmenter progressivement le volume d’entraînement sans compromettre la récupération, créant ainsi un cercle vertueux d’amélioration continue.
Les séances à basse intensité sont également l’occasion d’augmenter votre volume d’entraînement sans vous blesser. L’erreur souvent faite par des coureurs débutants est de toujours vouloir courir à fond. Et croyez-le ou non : même un athlète olympique ne tiendrait pas bien longtemps en s’entraînant de cette manière. Pour accumuler de l’entraînement, et donc progresser plus vite, il faut paradoxalement savoir s’entraîner moins fort durant la majorité du temps.
Des bienfaits pour les débutants et coureurs confirmés
L’entraînement à basse intensité présente des avantages remarquables, mais différenciés, pour les coureurs de tous niveaux.
Pour les débutants, cette approche constitue une véritable révélation dans leur progression. En courant lentement, ils développent naturellement une meilleure technique de course, car leur corps n’est pas soumis au stress d’une intensité élevée. Cette situation leur permet de porter attention à leur posture, leur foulée et leur respiration, établissant ainsi des fondations techniques solides.
Les coureurs novices bénéficient également d’une adaptation progressive de leur système musculo-squelettique. Les tissus conjonctifs, notamment les tendons et les ligaments, se renforcent graduellement, réduisant considérablement le risque de blessures courantes comme les périostites ou les tendinites. Cette adaptation progressive est cruciale car ces tissus nécessitent plus de temps que les muscles pour se renforcer.
Un coureur qui débute pourra enfin trouver du plaisir à travers ces séances, bien plus que durant l’accumulation de courses à haute intensité. La course à pied est un sport ingrat qui est parfois difficile d’apprécier quand on débute. Pour atteindre un “flow”, une sensation de plaisir, il ne faut pas être au bout de sa vie lors de chaque entraînement.
Pour les coureurs confirmés, l’entraînement lent joue un rôle tout aussi vital, bien que différent. Il leur permet d’augmenter significativement leur volume d’entraînement sans accumuler de fatigue excessive. Cette approche favorise la récupération active entre les séances intensives tout en maintenant les adaptations physiologiques acquises. Les athlètes expérimentés découvrent souvent qu’en ralentissant leurs séances faciles, ils peuvent paradoxalement améliorer leurs performances lors des séances rapides et en compétition.
Un aspect particulièrement intéressant pour les coureurs confirmés concerne l’optimisation de leur économie de course. En maintenant un volume d’entraînement élevé à basse intensité, ils affinent leur gestuelle et améliorent l’efficacité de leur foulée, ce qui se traduit par une meilleure utilisation de l’énergie lors des efforts plus intenses. Cette efficacité accrue devient particulièrement précieuse sur les longues distances, où l’économie de course peut faire la différence entre une bonne et une excellente performance. A noter cependant que cela ne remplacera jamais le travail d’économie de course spécifique aux allures visées. C’est pour cela qu’un plan d’entraînement pour un 10km en 50mn par exemple intégrera des intervalles à une allure de 5:00, soit la vitesse que vous courrerez lors de votre course objectif.
La prévention du surentraînement constitue un autre avantage majeur pour les coureurs expérimentés. En respectant une proportion importante d’entraînements lents, ils maintiennent un équilibre hormonal favorable et préservent leur système immunitaire, leur permettant ainsi de rester constants dans leur progression sur le long terme.
Courir lentement n’est pas optionnel
Vous l’aurez compris, quel que soit votre niveau, vous allez devoir envisager de courir une bonne partie de vos séances en courant lentement. Paradoxalement, c’est quelque chose qui est souvent plus complexe pour les débutants que pour les coureurs expérimentés. Il est parfois difficile au départ de se retenir de se donner au maximum lors d’une séance. Reste que le secret des coureurs qui durent dans le temps, et donc ceux qui progressent le mieux, c’est la régularité. Cette régularité ne se trouve qu’à travers la répétition des courses à basse intensité.
